PATOUÈI DÈ LA VALÉ DOEU TRËYIN


 

Marianne MÜLLER : Le Patois des Marécottes

 

APERÇU HISTORIQUE

Toute l'histoire de la vallée du Trient est étroitement liée à celle de la Royale Abbaye de St-Maurice et, aujourd'hui encore, ce sont les chanoines de l'Abbaye qui assurent les services religieux de toutes les paroisses de la vallée.

La Vallée du Trient qui comprend aujourd'hui les communes de Vernayaz, de Salvan et de Finhaut, appartint autrefois, et pendant plusieurs siècles, à l'abbaye de St-Maurice. Il est difficile de dire, quand le monastère entra en possession de cette vallée. On assure généralement qu'elle lui fut donnée par le roi des Burgondes, Saint Sigismond, en 515, au moment même, où ce prince fonda et dota l'abbaye d'Agaune. Comme le texte original des donations du roi Sigismond ne nous est pas parvenu et qu'on en possède seulement des copies tardives et interpolées, on ne saurait tirer de celles-ci des conclusions certaines. - Quoiqu'il en soit des origines, il semble bien que l'abbaye de St-Maurice possédait effectivement cette seigneurie autour de l'an 1000. A cette époque apparaissent en Chablais les premiers représentants d'une puissante famille féodale : les seigneurs d'Allinges. Ceux-ci obtinrent de l'abbaye mauricienne, durant les dernières années du Xe siècle et les premières du XIe, divers biens à St-Maurice et à Ottanel, c'est-à-dire dans la région de Vernayaz. Ce fut sans doute le début de la mainmise des sires d'Allinges sur la vallée du Trient, mainmise que ces seigneurs exercèrent pendant plus d'un siècle. Il ne fallut pas moins, en effet, que l'intervention de quatre évêques pour faire lâcher prise aux sires d'Allinges en 1138. Dès lors, les abbés de St-Maurice conservèrent cette seigneurie jusqu'à la Révolution helvétique de 1798.

Il serait assurément intéressant de connaître comment s'est opéré le peuplement de la vallée ; on ne peut malheureusement présenter que des conjectures sur ce sujet: des historiens, notamment le chanoine Tamini, pensent qu'au moment où l'Empire romain s'effondrait sous les coups des Barbares, les populations de la plaine, à savoir les Gallo-celtes romanisés et les Romains, se réfugièrent dans les hautes vallées. D'autres auteurs, et tout récemment encore M. Maurice Gross, à Sion 2), ont mis en valeur des textes du XIIIe siècle qui nous montrent l'établissement d'une population d'origine germanique dans la haute vallée du Trient, à Vallorcine, à Finhaut, à Trient et aux Jeurs. On peut supposer avec vraisemblance que ces colons germaniques venaient de la Bavière et qu'ils furent introduits dans le pays sous les auspices des seigneurs ecclésiastiques, spécialement des prieurs de Chamonix, qui possédaient la seigneurie de Vallorcine.

A une époque reculée, une église existait déjà à Ottanel (Vernayaz) qui devait être le centre paroissial de toute la vallée du Trient. Plus tard, à la suite peut-être d'une inondation désastreuse, Ottanel disparaît ; alors sur les hauteurs qui primitivement n'étaient sans doute que des « mayens », la communauté se reforme à Salvan. Là, dès 1252, il existe une église dédiée à St-Maurice, et c'est elle maintenant qui est le centre de toute la vallée. - L'église actuelle qui affecte la forme d'une croix latine, fut construite en 1708. - (En 1649, l'abbé de St-Maurice détacha Finhaut de Salvan et y érigea une nouvelle paroisse.)

A partir du XVe siècle, selon une tendance générale à cette époque en Valais, où tant l'évêque de Sion que l'abbé de St-Maurice cherchaient à calquer leurs seigneuries sur le modèle savoyard, l'organisation locale fut recouverte par une institution imposée par les grands châtelains, qui étaient en quelque sorte les gouverneurs laïques des princes ecclésiastiques. Dans la vallée de Salvan, cet office fut souvent assuré, entre 1570 et 1798, par les Quartéry, dont la noblesse rayonnait de St-Maurice sur toute la contrée.

Parmi les faits qui marquent plus profondément l'histoire de l'Etat abbatial, il faut signaler la bataille d'Emosson, en 1323, qui mit fin à une tentative d'invasion entreprise par des gens du Faucigny sous la conduite du sire de Thoire. Le traité de paix qui suivit, fixa en termes diplomatiques les frontières et les relations entre la seigneurie abbatiale et ses voisins, la première obtenant la reconnaissance de ses droits sur Emosson, Barberine, Fénéstral et Emaney, mais s'engageant à payer en retour au châtelain savoyard de Charosse une redevance annuelle de 14 livres de poivre. Cette obligation sera supprimée par un nouvel accord en 1615, mais le souvenir de la bataille d'Emosson ne s'est point effacé : chaque année, le curé de Finhaut célèbre une messe pour tous ceux qui tombèrent dans le combat.

En 1475, Walter Supersaxo, évêque de Sion, s'emparait du Bas-Valais et mit le séquestre sur les biens de l'abbaye de St-Maurice. Les Salvanins, heureux de vivre sous la crosse de l'abbé, s'opposèrent aux exigences de l'évêque de Sion. Pour les dompter, celui-ci fit emprisonner à Sion le métral de Salvan et plusieurs nobles de la vallée et ne les relâcha que sous caution. - Il fallut l'intervention des papes Léon X et Pie IV pour faire restituer à l'abbé de St-Maurice ses droits seigneuriaux.

Comme les députés des cantons catholiques venaient à Sion, en 1555, pour renouveler leur alliance avec le Valais, l'abbé de St-Maurice, Jean Ritter, demanda à être inclus dans l'alliance. Les gouvernements des cantons, informés de ce désir, s'y montraient favorables, mais la Diète valaisanne s'opposa à l'inclusion de l'abbaye dans l'alliance.

La Révolution helvétique de 1798, en mettant fin à la mosaïque compliquée que constituait l'ancienne confédération avec ses treize cantons souverains, ses Etats alliés, ses bailliages ou pays sujets, ses principautés ecclésiastiques, a enlevé à l'abbé de St-Maurice comme à l'évêque de Sion leurs seigneuries séculaires, mais les liens créés par une si longue histoire ne se sont pas tous brisés.

 

 

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