PATOUÈI DÈ LA VALÉ DOEU TRËYIN


 

Marianne MÜLLER : Le Patois des Marécottes

 

PRÉFACE

La tradition patoise de mon village natal argovien m'a fait apprécier les valeurs spécifiques de tout parler dialectal. Eloignée de mon village, je me suis efforcée de conserver mon patois fortement expressif et coloré dans un état pur. Cette prédilection et mon goût pour la vie campagnarde, m'ont incitée à m'intéresser aux études dialectologiques. - Au cours de mes études, j'ai rencontré une amie en Mlle Roseclaire Balderer, aujourd'hui Mme Schüle, qui étudiait le patois de Nendaz (VS). C'est elle, en premier heu, qui m'a vivement encouragée à faire également des recherches dialectales et folkloriques. La voyant faire de nombreux séjours à Haute-Nendaz, je me suis décidée aussi, et sans hésitation, à étudier un patois montagnard valaisan. Sur le conseil de mon professeur, M. W. von Wartburg, j'ai choisi la vallée du Trient.

Lors d'un premier voyage de reconnaissance à Salvan avec mon amie, en décembre 1952, nous avons convenu de limiter le domaine de mes recherches au village des Marécottes.

En été 1953, j'y ai fait un premier séjour de deux mois. Par l'intermédiaire de M. le Curé J. M. Boitzy, de Salvan, j'ai eu la chance d'habiter dès le début dans une famille indigène au Cergneux, hameau des Marécottes : chez M. André Jacquier, agriculteur et instituteur (à Salvan). Voilà qui a grandement facilité les premiers contacts avec mes futurs témoins, et qui m'a aidé a devenir en quelque sorte un membre de la communauté paysanne que j'étudiais. - Je tiens à remercier ici M. le Curé Boitzy de son obligeance et M. et Mme André Jacquier de tous les soins dont ils m'ont entourée et de la cordialité avec laquelle ils m'ont toujours accueillie.

J'ai fait aux Marécottes un second séjour de trois semaines en janvier 1954 et un troisième de six semaines l'été suivant. Au cours de la rédaction de ma thèse, j'ai passé deux ou trois fois quelques jours aux Marécottes afin de contrôler et d'élargir certains chapitres.

Dès le début, j'ai pu me rendre compte qu'il ne me serait jamais possible, en si peu de temps, de donner une image complète de la vie d'aujourd'hui et de celle d'autrefois de ce village montagnard, mais qu'au contraire, je serais forcée de lui donner un caractère très fragmentaire.

Pour acquérir un certain vocabulaire de base, j'ai commencé mes enquêtes avec les questionnaires du Glossaire des Patois de la Suisse romande, mis à ma disposition par Mlle R. Balderer. Avant de questionner mes témoins sur l'agriculture p. e., j'ai pris part moi-même à tous les travaux de la saison, à tel point qu'aucun des mots collectionnés plus tard dans ce domaine n'est resté pour moi quelque chose d'abstrait, tous étaient chargés de souvenirs personnels de mon « apprentissage ».
Plus tard, quand le patois me fut devenu quelque peu familier, je me suis appliquée à saisir sur le vif le plus d'expressions et de faits possible, à diriger la conversation sur les conditions de vie et les coutumes d'autrefois et à me faire expliquer, en patois, les méthodes et l'organisation de l'approvisionnement.

Tous mes matériaux ont été consciencieusement contrôlés auprès de mes différents témoins.

J'ai eu la grande chance de trouver d'excellents témoins au Cergneux même. Un peu méfiants avant de me connaître, les « Cergnolains » se sont ouverts à moi avec une gentillesse touchante et dès les premiers contacts une chaude amitié s'est établie entre nous. Je pense tout particulièrement à la maison Revaz où trois générations vivent ensemble en parfaite entente. Mme Eugénie Revaz, âgée de 75 ans, a été indiscutablement mon meilleur témoin. Intelligente, experte - et d'une manière extraordinaire - en tout ce qui concerne la vie campagnarde, douée d'une très bonne mémoire pour les choses et les mots d'autrefois, elle m'a fourni un grand nombre d'expressions tombées maintenant dans l'oubli, et je lui dois la plus grande partie de mes matériaux. Sa patience et son indulgence, ainsi que son égale bonne humeur me remplissaient de plus en plus d'admiration et de reconnaissance. Combien d'heures et de journées ai-je passées soit dans sa maison avec elle seule ou en compagnie de sa fille Lea Gay (50 ans) et de sa petite fille Miette (23 ans) qui la secondaient ou la relayaient dans sa tâche de « professeur », soit à la campagne en travaillant avec sa famille. Miette, qui a toujours vécu avec ses parents et ses grands-parents dans la tradition du patois, le parle encore très bien et avec beaucoup de sûreté.

Pour tout ce qui concerne la chasse et le travail à la forêt, j'ai pu me renseigner auprès de M. Louis Fleutry (77 ans), grand chasseur en son temps, mais malheureusement infirme depuis plus de 40 ans.

Dès le début de mes séjours, on m'avait mise en rapport avec Mme Marianne Gross (82 ans), ancienne institutrice, et avec sa fille, Mlle Mathilde Gross (54 ans). Chez elles, à la Leneire, j'ai été également accueillie à cœur ouvert et je me souviendrai toujours des entrevues que Mme Marianne m'a accordés régulièrement pendant tous mes séjours.

M. André Jacquier (52 ans), ainsi que son neveu, Maurice Jacquier (20 ans), ont eu l'amabilité de me communiquer quantité de choses précieuses et intéressantes lors des veillées dans leur famille, pendant leur séjour aux mayens ou lors de la vendange à Plan-Cerisier. Maurice qui a vécu un certain nombre d'années auprès de sa grand'mère, a admirablement bien conservé la tradition du patois.

M. François Décaillet, de Salvan, a bien voulu me conduire à son vieux moulin pour m'expliquer sur place ses méthodes de travail et tout le fonctionnement des vieilles installations.

M. Marcel Décaillet m'a initiée à la technique du carrier d'ardoise.

M. Denis Coquoz, botaniste renommé, fils de Louis Coquoz (cf. Bibliographie, p. XVII) m'a donné quelques renseignements relatifs à la terminologie botanique.

J'exprime ma vive reconnaissance à tous mes chers témoins qui ont rendu possible la présente étude et je n'oublierai pas non plus tous mes autres amis des Marécottes qui y ont collaboré.

Dans la vallée du Trient, comme partout ailleurs, le patois est de plus en plus refoulé par le français ; aujourd'hui, les personnes âgées de plus de 40 ans le parlent encore couramment, mais dans les rapports entre parents et enfants, le français a presque entièrement supplanté le patois. Bien que l'expérience prouve le contraire, on croit communément que le vieux parler constitue un obstacle à l'étude du bon français qu'enseignent les écoles. La jeunesse comprend donc encore le patois, mais, à quelques exceptions près, ne s'en sert plus beaucoup et manifeste un peu d'incertitude quant à l'emploi exacte ou la prononciation de certains mots. Avec plaisir, j'ai pu constater cependant que les petits garçons parlent encore patois à leurs lapins. - Le français parlé dans la vallée a une forte couleur locale et est mélangé avec un assez grand nombre de mots patois francisés.

Pour le plan de ce travail, j'ai suivi dans ses grandes lignes le Begriffssystem als Grundlage für die Lexikographie de Rudolf Hallig et Walther von Wartburg.

Dans certains chapitres, dans celui p. e. qui est consacré au corps, des listes monotones de mots étaient inévitables. - Dans les quelques petites introductions aux chapitres, je me suis limitée à dire le strict nécessaire sur ce qui ne ressort pas des récits en patois. - Pour rendre plus apparente la structure de la phrase patoise, j'ai maintes fois préféré la traduction littérale des expressions indigènes à un style français qui devait nécessairement rester approximatif ou incolore.

J'éprouve le désir de remercier ici M. Dietrich, de Winterthour, qui m'a généreusement permis de consulter les carnets manuscrits de ses relevés dialectaux dans la vallée du Trient (conservés au Bureau du GPSR).

Ma reconnaissance va également à mes amis Mme Marie Miguet, prof. agrégé à Mulhouse, Mlle Claire Ratter, étudiante à Bâle, M. Alain Lerond, prof. agrégé à Paris, et tout particulièrement M. W. Lacher, docteur-ès-lettres de l'Université de Genève, qui ont bien voulu revoir du point de vue du style la partie française du présent travail, ainsi qu'à M. Georges Peter dont l'aide m'a été précieuse pour les dessins. Je manifeste aussi ma très grande reconnaissance à M. le professeur G. Matoré, directeur des Cours de Civilisation française à la Sorbonne, qui m'a fait profiter généreusement de sa compétence et de ses idées.

J'éprouve aussi une dette de reconnaissance envers mon amie Mme Roseclaire Schüle et envers M. Schüle, rédacteur en chef du GPSR, qui m'ont constamment aidée et encouragée. Sans leurs précieux conseils, ce travail serait encore loin d'être terminé.

Pour conclure, j'apporte ici mon hommage respectueux et dévoué à mon maître M.W. von Wartburg qui m'a si aimablement dirigée dans mes études.

 

 

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